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 L'Express, mai04 - Aux sources du parfums

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L'Express du 31/05/2004

Aux sources du Parfum...
par Martine Marcowitz


Des fruits, des bois et une avalanche de roses... Pour l'été, les créateurs, en quête d'élégance, ont choisi des matières premières nobles et authentiques. Le tout combiné au nec plus ultra de la technologie

Comme la couture, la parfumerie a ses modes. Grand vent d'effluves marins, un jour, nappe sucrée de senteurs gourmandes, un autre. Pour cette saison, on note une remarquable percée des fruits: la pêche, la groseille, le cassis et même la rhubarbe. On s'intéresse aussi de près au potentiel des agrumes, y compris des plus rares tel le kumquat ou le yuzu, un citrus japonais. Et, si l'on observe également un net frémissement du côté des senteurs boisées, la grande tendance du moment reste le retour des «belles fleurs»: du jasmin et surtout des roses comme s'il en pleuvait, de Lancôme à Stella McCartney en passant par Costume national. Pour Anna Estevane, directrice marketing chez Givaudan, groupe leader dans l'industrie des parfums et des arômes, cette vogue témoigne d'une volonté de revaloriser les codes traditionnels. «Il s'agit d'une recherche de statut et de féminité, d'une envie de vrai luxe.» Un désir d'authenticité et d'élégance qui ramène tout naturellement à la vérité des sources, et donc aux matières premières. Pour Jean-Michel Duriez, nez de la maison Patou et créateur, notamment, de Joy, «le premier nez génial de l'histoire, c'est la nature. L'essence de rose est déjà une composition, elle contient des dizaines et des dizaines de molécules».

«La rose posède de multiuples facettes qui illuminent les parfums»
Jean-Michel Duriez (Jean Patou)


La richesse olfactive de certaines essences justifie que les grands parfumeurs défendent leurs «champs créatifs» à travers le monde: Chanel et Patou, par exemple, possèdent leurs propres plantations de roses et de jasmins à Grasse. Aujourd'hui comme hier, on y récolte une à une les fleurs de jasmin, légères comme des plumes, dont la cueillette commencée à 3 heures du matin doit s'achever avant que le soleil ne monte. Les petites roses cultivées non loin ne fleurissent qu'une fois dans l'année, trois semaines en mai. Symboles de tradition et de féminité, ce sont elles qui émeuvent le cœur de Joy et du N° 5. Jean-Paul Guerlain, lui, est un nez migrateur qui parcourt le monde à la recherche des plus belles matières premières. Cette quête l'amène non seulement à découvrir de nouvelles ressources, mais à en organiser aussi la sélection et l'extraction: néroli et bergamote en Tunisie et en Calabre ou ylang-ylang à Mayotte, cette «fleur des fleurs» qui fait vibrer les fidèles du fameux Samsara.

Mystère, sensualité, fraîcheur... Chacune de ces matières premières porte en elle une signification symbolique, une valeur d'émotion et d'évocation. L'appel du lointain avec le santal et le jasmin indiens ou la vanille de Madagascar; la volupté de l'Orient avec la myrrhe d'Arabie ou la rose du Maroc... Ces pétales et ces racines, ces bois et ces fruits font toute la richesse d'un parfum. Pour Jean-Michel Duriez, «ils se respirent avec la mémoire et l'imagination. C'est un langage reçu par tous, parce que la nature est notre bien commun et notre plus beau lien».

«J'aime les notes florales de la bergamote, l'acidité du citron, la rondeur de l'orange...» Jean-Claude Ellena

Une nature qui a aussi son coût... Après avoir récolté les fleurs, on procède à l'extraction des substances aromatiques pour obtenir les huiles essentielles ou les essences absolues (appelées simplement «absolues») sur lesquelles travailleront les parfumeurs. Il faut 600 kilos de fleurs de jasmin pour 1 kilo d'absolue; 1 tonne de fleurs d'oranger pour 1 kilo d'essence de néroli et 1 tonne de roses de Grasse pour 1,5 kilo d'absolue. Cette dernière coûte 7 000 € le kilo et celle du jasmin de Grasse autour de 25 000 €. La palme de la rareté revenant à l'iris de Florence: on utilise 10 tonnes de rhizomes secs pour fabriquer 1 kilo de beurre d'iris dont l'absolue sera extraite. Les contraintes financières amènent souvent à troquer la senteur naturelle contre une odeur de synthèse, infiniment moins coûteuse, la chimie s'attachant alors à copier la nature. Francis Chabagno, directeur de la gestion des ingrédients chez Givaudan, explique, par exemple, que la sauge sclarée, une fois transformée, produit des notes ambrées proches de celles données par les concrétions intestinales des cachalots, source traditionnelle et naturelle de l'ambre. Le musc blanc, purement synthétique, remplace aujourd'hui le musc naturel que l'on obtenait en retirant au chevrotin mâle de l'Himalaya une glande abdominale à sécrétion odorante. Mais la chimie ne se contente pas seulement de reproduire à l'identique. En créant des structures inédites, elle permet de trouver de nouveaux angles olfactifs et d'enrichir la palette du parfumeur. «Ces molécules de recherche servent aussi à préciser la direction d'un parfum, à le nuancer ou à le rendre plus stable», précise Francis Chabagno. Sans la coumarine et la vanilline, Aimé Guerlain n'aurait pas créé, en 1889, le sublime et avant-gardiste Jicky. Sans les aldéhydes, des molécules à base de carbone qui subliment les notes florales, le N° 5 n'aurait pas «ce parfum de femme à odeur de femme» dont rêvait Mlle Chanel. Et, sans l'hédione, pas d'Eau sauvage. Bref, c'est aux progrès de la technologie que l'on doit la parfumerie moderne et les scientifiques multiplient aujourd'hui les recherches. Certains organisent des explorations olfactives en dirigeable pour survoler les forêts équatoriales et repérer de nouvelles essences.

«Le bois, vivants et organique, fixe le caractère de mes parfums» Serge Lutens

D'autres utilisent une étonnante technique, le headspace, qui leur permet de «piéger» in situ, sous une bulle de verre, une fleur encore inexploitée (glycine ou orchidée, par exemple) et d'en établir la carte d'identité moléculaire. Ce vocabulaire composite, qui enrichit perpétuellement l'écriture olfactive, est nécessaire à la création d'un parfum et donc à sa composition. Car, au final, c'est cela qui compte. Les roses n'exhalent pas leur parfum de la même façon dans l'eau d'été Classique, de Jean Paul Gaultier, et dans le tout nouveau Rose des bois, d'Yves Saint Laurent. Les bois du Baiser du dragon, de Cartier, racontent une autre histoire que ceux de l'Eau des merveilles, d'Hermès, et les Fleurs de citronnier, de Lutens , ont des mystères qu'ignorent les eaux de Cologne «hespéridées». Si essentielle que soit la matière première, un parfum n'est pas seulement une juxtaposition de bonnes odeurs. «Une fragrance réussie naît d'accords inédits, de dissonances ou de résonances souvent inattendues, explique Jean-Michel Duriez. C'est une partition complexe qui se crée grâce à l'instinct et à l'émotion.»


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Wer, wenn ich schrie, hörte mich denn aus der Engel Ordnungen? - R.M. RILKE

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