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 Synestesie.com, 96 - "La perception..."

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bastrinity
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bastrinity
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   Posté le 17-08-2004 à 18:11:53   Voir le profil de bastrinity (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à bastrinity   

"La perception, c'est culturel, c'est le sang de chacun"

Comme ses maquillages qui "ne sont pas des maquillages", les images de Serge Lutens pour la maison Shiseido ne sont pas des images" mais deviennent une signature, la signature d'un produit, une imagerie qui perdure avec "énormément d'impact publicitaire" depuis 28 ans (12 ans chez Dior et 16 chez Shiseido) Serge Lutens tient sans être démodé "c'est bien la preuve, dit-il, que je ne suis pas dans une mode. Il n'y a pas de temps dans mes images". Pour ses parfums, ses couleurs qu'il "médiatise" à travers cinéma (10 films), théâtre, photo, décoration, et cosmétiques Serge Lutens réfute le fait de faire de la publicité, mais affirme seulement réaliser une Image qui chaque fois représente une somme de sens et de sensations de par son existence même.
Histoire recueillie par Jean-Jacques Gay et Anne-Marie Morice.


Dans ma vie tout est un accident. Je fais confiance au destin. Je n'ai pas véritablement désiré faire des parfums, jamais je n'aurais pensé que je décorerais une boutique au Palais Royal, que j'exposerais dans les musées du monde entier ou que je deviendrais une personnalité du maquillage que je n'ai d'ailleurs jamais appris. Je me suis simplement occupé de l'image, et progressivement, bizarrement, naturellement une image obsessionnelle s'est développée chez moi autour d'une vision féminine sur laquelle se sont greffées les occasions industrielles, les parfums, les cosmétiques.

La seule façon d'être jugé dans ce métier c'est le chiffre d'affaire. Le résultat financier actuel fait que tout le monde trouve mon travail très beau. Mais au départ qui trouvait ça bien ?

Il n'y a pas de réelle culture dans mes images, il n'y a pas d'identification et chacun les revendique en partie ou en totalité. Au Japon c'est japonais, etc. Cette imagerie plaît en Asie, en Europe, elle est très fluide. Car naïvement, mes visuels n'entrent pas dans un univers de culture spécifique, c'est un univers beaucoup plus inconscient où j'ai ramassé des images, des textes qui résonnent.

Je suis l'anti-Benetton mais moins étranger à lui qu'à toute autre publicité. Je suis à la fois son antithèse et la même chose. C'est une communication beaucoup plus élitiste, une image qui n'a pas à proposer un produit ni à créer l'identification.

Tous les jours les images de communication disent "tu me ressembles". La femme vendue est un produit socio-culturel, on en fait un parfum ou un maquillage qui sont des produits.

Moi j'échappe à cela car la femme que je crée n'existe pas. Car je ne veux surtout pas qu'elle existe. C'est ce qui m'énerve quant on me parle du maquillage de mes photos, car si c'était du maquillage elle existerait cette femme. Or elle n'existe pas et c'est ce qui fait son intérêt. Elle n'existe que pour moi, elle est à moi, elle n'est à personne d'autre.

Mais je la partage. Car ses images s'adaptent au fur et à mesure à quelque chose, des gens les utilisent et c'est très intéressant de les voir partir ici et là dans des journaux de photo, d'art, de cosmétiques ou de mode. Cette image est multi-usages et quelque part multimédias, elle prend des directions très différentes et chaque personne qui en parle, en parle de façon totalement différente selon le média.

Shisheido fait très peu de publicité, pourtant l'IMAGE Shisheido est très connue. C'est devenu un seul produit, une ligne. C'est la seul marque japonaise qui ait tenu en France.



On vend beaucoup par correspondance (par minitel), et je pense que notre serveur Internet est dans cette continuité. Ce n'est pas moi qui en ait eu l'idée, mais Internet est un moyen de communication qui peut permettre de redresser la vérité. Car mon objectif c'est de dire la vérité, de dire que cette image n'est pas justement un maquillage ou un parfum, mais juste une image.

Car le maquillage est l'un des plus petits éléments de mon travail, il prend très peu de temps dans la préparation globale d'une mise en scène : costume, bijoux, coiffure, choix de la musique précise parce qu'entre différents disques ou morceaux la fille change complètement. Une photo ne dure qu'entre trois minutes et trois quarts d'heure, maximum, pas plus, c'est très rapide une prise de vues. Ce qui est très long, c'est la préparation, lorsque tout est prêt il ne reste que le "feeling" à faire passer, sans que je lui parle, tout doucement, le mannequin entre dans son univers, dans le personnage, et moi je la découvre de plus en plus en la faisant venir près de l'objectif. C'est là que le personnage va devenir réel, avec la musique et tout ce qui va avec. A ce moment là tout devient concret, autour de cette musique spécialement sélectionnée et qui résonne terriblement en elle.

Car chez moi, la musique est un déclencheur, elle opère autant que les costumes. Elle est très importante, mais je n'en écoute que pour choisir celle qui sera diffusée en studio. En fait je trouve que la privation, c'est le début de la jouissance. Je n'écoute pas, ou très peu de musique, mais j'ai une grande connaissance musicale, le classique, le jazz, ancien et moderne, la musique arabe, j'en achète depuis très longtemps. J'en fais des sélections, et chaque fois que je travaille sur une thématique précise ça crée une stimulation incroyable, justement parce j'en suis privé. La privation c'est le début de quelque chose...

La musique...Le parfum... La couleur, la couleur est très importante, je m'occupe des couleurs de maquillage de deux sociétés depuis des années. J'ai créé le maquillage Dior en 1967. J'ai inventé une façon de faire la couleur parce qu'avant on donnait des tissus, des papiers, alors que je touille directement les couleurs dans des raviers, je les fais directement, et donc ça c'est une autre façon de faire la couleur immédiatement sous ses yeux et c'est très amusant. La couleur est aussi importante dans mon travail au niveau des décors, de mes images, la couleur est un petit peu partout. Je pense me servir de notre serveur sur Internet pour diffuser l'influence que l'on a (Lutens et Shiseïdo) sur les couleurs.

Il y a un espèce d'instinct dans le fait de faire de la création de couleurs un an et demi ou deux ans à l'avance. Il faut être à l'heure. Vous ne pouvez pas vous tromper. Et c'est très dur. Car vous partez de rien. Et il faut jouer complètement sur l'instinct et la prémonition, se laisser complètement aller. Or, il se trouve que je suis toujours à l'heure. Mais le problème, c'est que je suis à l'heure, que l'on arrive à faire des choses fortes, que l'on est les seuls à le faire, mais que ce n'est pas connu. Alors je voudrais faire connaître ces couleurs sur Internet, deux mois avant qu'elles ne sortent dans la presse pour montrer notre travail et notre avance.

Moi, j'arrive à cette Image, j'arrive à faire un parfum, en ramassant des éléments, des épices, des morceaux de choses, car j'y mets beaucoup de mémoire, beaucoup de choses du passé complètement oubliées. Le bruit d'une étoffe, son toucher, cela crée un personnage immédiatement. Il est certain que le taffetas, le bruit du taffetas évoque tout de suite un personnage extrêmement somptueux, romantique ; c'est un peu Senso.

Quand je crée mes parfums je pars de l'abstrait, des souvenirs olfactifs. Je fais un parfum à partir d'une mémorisation, d'une odeur que j'ai connue, c'est un roman, mais sans image. C'est une recherche par rapport à des odeurs que j'ai croisées et qui m'intéressent, comme la fleur d'oranger, le musc, l'ambre ou la myrrhe. Chacun traduit avec sa propre émotion le parfum. Pour moi le parfum est une image de femme.

Je suis arrivé sur la pointe des pieds dans le parfum. J'étais mort de timidité car dans le parfum on n'est entouré que de spécialistes, et les spécialistes sont des censeurs, des gens qui vous empêchent d'avancer et de penser différemment. Le fait est, que je suis arrivé comme un barbare dans cette profession, et c'est très bien comme ça, car aujourd'hui ces spécialistes me copient tous. J'ai gagné ; les barbares ont gagné. Les choses bougent.

Il faut bien se dire que le parfum c'est l'histoire. C'est l'histoire de la civilisation, du monde même. Et donc il existe un extraordinaire répertoire d'odeurs. On peut remonter dans le temps, la myrrhe a plus de 4000 ans, c'est le plus vieux parfum du monde. Donc en définitif chaque fois c'est une histoire qui m'arrive et que j'imagine. Je prends une essence que j'aime et je l'habille en me racontant une histoire. Il y a là une spontanéité, un espèce d'événement qui se fait avec moi. Le fait d'utiliser des essences uniques, une essence seule et de la sublimer : 60% d'ambre et 40% d'ingrédients qui deviendront sa parure.

L'ambre par exemple je l'ai découvert il y a longtemps à Marrakech, j'en ai acheté au souk, je l'ai ramené ici en me disant que je ferai un parfum à l'ambre. Je l'ai fait. Il y a tellement d'essences non utilisées en parfumerie où presque toutes les essences sont synthétiques, où on utilise très peu d'essences naturelles, elles coûtent trop cher.

La parfumerie est devenue après-guerre un produit socio-culturel, un produit soit féminin, soit masculin, grimaçant qui subit une forme de société. Alors qu'ici (dans la boutique Shiseido du Palais Royal) on est dans une parfumerie orientale, arabe, très riche, extrêmement luxueuse. Je suis mentalement sur les traces de cette histoire. La Parfumerie n'est pas européenne, ni non plus japonaise. Ma parfumerie est orientale sans l'être, c'est moi qui la vit comme ça, c'est moi qui ment.

C'est mon travail : Menteur. Les images mentent, toujours et beaucoup

lien vers une mini video ou l'on voit lutens et un mannequin maquillé (ça dure 5 secondes mais c'est deja ça de pris )

http://www.synesthesie.com/syn03/SENS/IM/lutens.mov




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